Version à jour en mai 2025 

 Dans les rapports locatifs, la régularisation des charges constitue une étape essentielle pour garantir la transparence entre bailleur et locataire. La loi du 6 juillet 1989, en son article 23, impose au bailleur, lorsqu'il perçoit des provisions pour charges, de procéder à une régularisation annuelle, en justifiant les dépenses engagées. Cette régularisation permet de comparer les sommes versées par le locataire avec les dépenses réelles de l'année écoulée. 

Une absence ou un retard dans cette régularisation peut engendrer des incompréhensions, voire des litiges. Il est donc essentiel d'en comprendre les règles et les conséquences. 

LES OBLIGATIONS À RESPECTER 

1. Régularisation annuelle obligatoire

Le bailleur doit transmettre, au moins un mois avant l'envoi de la régularisation : 

  • un décompte des charges par nature (entretien, eau, chauffage…), 
  • les modalités de répartition entre les locataires (clé de répartition, tantièmes, etc.), 
  • une note d'information explicative lorsque le logement est situé dans un immeuble collectif. 

Les pièces justificatives doivent être tenues à disposition pendant une période de six mois. Il s'agit notamment des factures, contrats d'entretien, appels de fonds de copropriété, taxes, etc. 

Il est important de rappeler que la nature des charges récupérables est encadrée par le décret n° 87-713 du 26 août 1987, qui établit une liste limitative. Cela signifie que seules les charges mentionnées dans ce décret peuvent être légalement réclamées au locataire, sauf disposition expresse contraire prévue par la loi. Toute facturation de dépenses non prévues dans cette liste est susceptible d'être contestée devant le juge. 

 À noter : la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), bien qu'intégrée à la taxe foncière, constitue une charge récupérable. Elle ne peut faire l'objet d'une demande distincte : elle est incluse dans les provisions et régularisée dans le cadre du décompte annuel.  

2. Justification obligatoire

Même si les justificatifs n'ont pas à être envoyés, ils doivent être consultables par le locataire sur demande. Cette consultation permet de garantir la sincérité des régularisations. Le bailleur doit donc tenir à disposition tous les documents permettant de justifier les charges récupérées. 

Le simple envoi d'un montant global ou d'un décompte synthétique est insuffisant. En l'absence de justification, les montants demandés peuvent être contestés, et le juge peut ordonner leur réduction ou leur annulation (Cass. 3e civ., 30 juin 2004 ; 8 mars 2011 ; 9 novembre 2017). 

3. En cas d'absence ou de retard de régularisation

Lorsque la régularisation n'intervient pas avant le 31 décembre de l'année suivant celle des dépenses, le locataire peut demander à en étaler le paiement sur 12 mois (article 23, alinéa 9 de la loi). 

Exemple : pour les charges de l'année 2023, si la régularisation est effectuée en 2025, le locataire pourra demander un échelonnement sur l'année 2025. 

Le non-respect de ce calendrier peut fragiliser les demandes du bailleur, surtout en l'absence de pièces justificatives. 

4. Prescription

Le délai pour contester ou réclamer des sommes au titre des charges est de trois ans (article 7-1 de la loi de 1989). Il s'applique autant au bailleur (pour réclamer un solde) qu'au locataire (pour demander une restitution ou une vérification). 

Exemple : si la régularisation des charges de 2021 est transmise au locataire en juin 2023, le bailleur dispose jusqu'en juin 2026 pour en réclamer le paiement. Le locataire, quant à lui, peut également contester les montants ou demander un remboursement jusqu'à trois ans après la date de transmission du décompte 

FOCUS SUR LE FORFAIT DE CHARGES 

 1. Une exception encadrée

Le forfait de charges consiste en un montant fixe, sans régularisation. Il est autorisé uniquement dans deux situations prévues par la loi : 

  • Location meublée à usage de résidence principale (article 25-10) ; 
  • Bail mobilité (article 25-13). 

Dans les autres cas (notamment location vide), la loi impose le recours à des provisions avec régularisation. 

2. Conditions de validité

Le forfait doit : 

  • être expressément prévu dans le contrat, 
  • être d'un montant raisonnable. 

Il n'est pas soumis à régularisation, mais peut faire l'objet d'une révision. Cette révision s'effectue selon les mêmes modalités que la révision du loyer, en fonction de l'indice de référence des loyers (IRL). Aucune demande complémentaire ne peut être formulée en fin d'année, même si les dépenses réelles ont excédé le forfait. 

Que se passe-t-il si le contrat est muet ? 

Si un bail meublé ne précise pas la nature des charges (forfait ou provisions), la jurisprudence considère qu'il s'agit de provisions pour charges au sens de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989. En l'absence de clause expresse mentionnant un forfait, il est présumé que les charges sont appelées à titre provisionnel et doivent donc faire l'objet d'une régularisation annuelle accompagnée de justificatifs. Cette solution a été confirmée par la Cour d'appel de Paris, qui a requalifié des charges appelées sans précision comme des provisions, avec obligation de régularisation (CA Paris, 6e ch., 9 mars 2021, n° 19/06589). Cette jurisprudence vise à garantir une transparence minimale au bénéfice du locataire, et à prévenir les litiges liés à l'absence de décompte ou de justificatifs. 

LES RISQUES EN CAS NON-RESPECT 

 Pour le bailleur 

  • Requalification du forfait en provisions : en l'absence de clause expresse, ou si le montant est manifestement excessif, le forfait peut être requalifié par le juge. Le bailleur devra alors produire les justificatifs de charges réelles et procéder à une régularisation selon les règles de l'article 23. 
  • Rejet de demandes de régularisation : si les justificatifs ne sont pas fournis dans les conditions prévues (notamment la mise à disposition pendant 6 mois), le locataire peut saisir le juge pour contester le paiement ou en demander l'annulation. 
  • Sanctions judiciaires : en cas de manquement répété ou volontaire, le juge peut ordonner la restitution des sommes perçues à tort, accorder des dommages-intérêts, voire imposer une astreinte pour contraindre à la production des documents ou à la régularisation. 

Pour le locataire 

  • Prescription triennale : le droit de contester une régularisation ou de réclamer un remboursement de charges indues est limité à trois ans à compter de la transmission du décompte. Passé ce délai, les sommes versées deviennent définitives. 
  • Charge de la preuve : en l'absence de demande écrite, le locataire peut rencontrer des difficultés à démontrer l'absence de mise à disposition des justificatifs. Il est donc recommandé de formuler ses demandes par écrit et de conserver les échanges. 

 

 LES CONSEILS DE L'ADIL DE PARIS 

Pour les bailleurs 

  • Vérifiez chaque année les montants appelés au titre des charges et assurez-vous qu'ils correspondent bien aux dépenses réellement engagées et récupérables selon le décret n° 87-713 du 26 août 1987. 
  • Préparez un décompte clair, détaillé et compréhensible, accompagné d'une note explicative notamment en cas de charges collectives. Ce document doit être communiqué au moins une fois par an. 
  • Tenez à disposition les justificatifs pendant 6 mois à compter de l'envoi du décompte. Anticipez les demandes de consultation en conservant les documents en version papier ou numérique. 
  • Rédigez avec soin les clauses du bail relatives aux charges, en distinguant clairement entre forfait et provisions, et en vous assurant de leur validité juridique selon le type de contrat. 

Pour les locataires 

  • Conservez systématiquement les quittances, régularisations et échanges écrits avec le bailleur (mails, lettres, décomptes). Ces documents peuvent être utiles en cas de contestation ou de demande de vérification. 
  • Demandez chaque année à consulter les justificatifs des charges si vous recevez une régularisation. Ce droit s'exerce pendant 6 mois à compter de la communication du décompte. 
  • En cas de doute sur le montant ou la nature des charges, n'hésitez pas à interroger le bailleur par écrit.  
  • Respectez les délais de prescription : toute action doit être engagée dans les trois ans suivant la régularisation contestée. 

 En résumé, les charges locatives versées sous forme de provisions doivent faire l'objet d'une régularisation annuelle, accompagnée de justificatifs. En l'absence de clause expresse, les charges d'un bail meublé sont présumées provisionnelles. Le forfait de charges, autorisé uniquement pour certains baux, ne peut être appliqué qu'en respectant des conditions précises. Le respect des délais et la transparence documentaire sont essentiels pour prévenir les litiges. 

 

Si vous avez des doutes ou si vous rencontrez des difficultés, n'hésitez pas à contacter l'ADIL de Paris pour obtenir des conseils.