L'ADIL de Paris est régulièrement saisie par des locataires et bailleurs concernant les congés délivrés à l'initiative du propriétaire. De nombreux litiges surviennent lorsque le motif de reprise ou de vente est contesté, ou lorsque le congé repose sur un motif dit « légitime et sérieux » sans justification suffisante. 

Ces situations mettent en évidence l'importance du respect strict des conditions de fond et de forme prévues par la législation, tant pour garantir la protection du locataire que pour sécuriser la démarche du bailleur. 

LES OBLIGATIONS À RESPECTER 

 Les articles 15 (location vide) et 25-8 (location meublée) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 encadrent la possibilité de mettre fin au bail par le bailleur, uniquement pour : 

  • Reprise du logement pour y habiter à titre de résidence principale, 
  • Vente du logement, 
  • Motif légitime et sérieux (impayés de loyers, troubles du voisinage, défaut d'assurance, etc.). 

Chaque motif est strictement encadré et doit pouvoir être justifié par des éléments objectifs, sous peine de nullité du congé. 

1. Conditions de forme

Lorsqu'il est à l'initiative du bailleur, le congé doit être notifié au moins six mois avant le terme du bail (trois mois pour les meublés), par : 

  • Lettre recommandée avec avis de réception, 
  • Acte de commissaire de justice, 
  • Remise en main propre contre récépissé ou émargement. 

Le délai de préavis commence à courir à compter de la réception effective de la lettre recommandée, de la signification de l'acte de commissaire de justice ou de la remise en main propre (art. 669 CPC ; Cass. 3e civ., 14 déc. 1994, n° 93-12481). 

Sont par exemple invalides : le congé envoyé par courriel, par lettre simple ou via un mandataire sans mention du nom du bailleur (CA Caen, 11 janv. 2024, n° 21/03398 ; CA Aix : 5.11.20, n° 19/19185 ; Cass. Ass. Plén. 13 févr. 1998, n° 95-10.378). 

2. Destinataires du congé

  • Si le logement est loué en colocation avec un bail unique, et en présence d'une clause de solidarité, le congé peut, en principe, être délivré par le bailleur à l'un des colocataires indifféremment et est opposable à l'égard de tous (Cass. Civ III : 21.10.92, n° 90-21738 ; Cass. Civ III : 20.7.89, n° 88-12676). La solution étant discutée en doctrine, il peut être conseillé de notifier un congé à chacun des colocataires. En l'absence de clause de solidarité, un congé doit être notifié à chacun des colocataires. 
  • En cas de couple marié ou pacsé en cours de bail, le bailleur, informé du statut marital des locataires, doit notifier à chacun des époux ou des partenaires des lettres distinctes (loi du 6.7.89 : art. 9-1). Si le bailleur n'a pas été informé du mariage ou du PACS, les notifications ou significations faites au seul locataire connu sont opposables à son conjoint (Cass. Civ III : 29.10.13, n° 12-23138 ; CA Paris : 5.6.01, n° 1999/10578).

3. Contenu et motivation du congé

Le congé doit impérativement mentionner le motif allégué (vente, reprise ou motif légitime et sérieux), et selon le motif invoqué, contenir : 

a) Reprise pour habiter : 

  • Les nom, adresse et lien de parenté du bénéficiaire, 
  • Le caractère réel et sérieux de la reprise  
  • L'annexion de la notice d'information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d'indemnisation du locataire conforme à l'arrêté du 13 décembre 2017. 

Le droit de reprise du bailleur suppose que le logement soit occupé par le bénéficiaire à titre de résidence principale. Le logement ne peut donc pas être repris pour être occupé à titre de résidence secondaire ou comme « pied-à-terre ». 

La reprise est limitée à certains bénéficiaires : le bailleur, son conjoint, partenaire PACS, concubin notoire (vivant avec lui depuis un an), ses ascendants/descendants ou ceux de son conjoint/PACS/concubin. Toute autre personne (ex : neveu, aide à domicile, salarié) est exclue. 

 

b) Vente du logement (location nue uniquement) : 

  • Une offre de vente au profit du locataire (droit de préemption), 
  • L'indiquant du prix de vente et des conditions de la vente projetée, 
  • La reproduction des alinéas 1 à 5 de l'article 15, II, de la loi du 6.7.89 
  • L'annexion de la notice d'information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d'indemnisation du locataire conforme à l'arrêté du 13 décembre 2017. 

L'offre doit porter sur l'ensemble des lots loués (logement et annexes). L'omission d'une cave, d'un parking ou d'une cour partagée peut entraîner la nullité du congé. Le prix est librement fixé, le bailleur en droit de chercher à réaliser un bénéfice, mais ce prix ne doit pas être manifestement excessif ou dissuasif. Des écarts de plus de 25 % au marché local peuvent faire présumer un abus. 

 

c) Motif légitime et sérieux : 

Le congé peut aussi être fondé sur un motif légitime et sérieux, ce qui suppose une cause objective, identifiable et justifiable. 

Ce motif peut résulter : 

  • Du comportement du locataire : impayés de loyer répétés, retards persistants, nuisances sonores, défaut d'entretien, menaces ou violences envers le voisinage, défaut d'assurance obligatoire ou d'occupation du logement à titre de résidence principale. 
  • De la nécessité de réaliser des travaux d'une ampleur incompatible avec le maintien dans les lieux : restructuration complète de l'immeuble, démolition, travaux de réunification d'appartements, ou rénovation énergétique lourde (ex : remplacement de l'ensemble des réseaux, modification de la structure des planchers ou des murs, transformation du logement en local professionnel). 

Les travaux doivent être réels, utiles à l'immeuble, autorisés si nécessaire et ne peuvent viser uniquement à obtenir le départ du locataire. Une simple gêne temporaire ou de confort ne suffit pas. 

  • D'autres situations spécifiques peuvent justifier un congé : impossibilité de rendre un logement aux normes de décence (surface inférieure à 9 m²), transformation imposée par l'évolution de l'activité professionnelle du bailleur, etc. 

Le juge vérifie au besoin la légitimité du motif et l'absence de fraude ou d'intention abusive. 

4. Cas particulier des locations meublées

Le congé dans le cadre d'un bail meublé, régi par l'article 25-8 de la loi de 1989, respecte les mêmes motifs que pour la location nue, mais : 

  • Le préavis est réduit à trois mois avant le terme du bail ; 
  • Il n'existe pas de droit de préemption du locataire en cas de vente ; 
  • Le congé doit être écrit, motivé et notifié selon les mêmes formes que pour les baux nus ; 
  • Il n'est pas nécessaire de reproduire une partie de l'article 15 de la loi du 6.7.89. 
  • La notice d'information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d'indemnisation du locataire n'est pas à joindre. 

5. Restriction au droit du bailleur de donner congé 

Bien que le bailleur puisse en principe délivrer congé pour vendre, reprendre le logement ou pour motif légitime et sérieux, ce droit est encadré par certaines restrictions légales destinées à protéger les locataires dans des situations particulières. 

Le droit de donner congé peut être restreint, voire conditionné à une proposition de relogement, notamment : 

  • Lorsque le locataire est âgé et dispose de faibles ressources ; 
  • Lorsque le locataire est bénéficiaire d'une allocation journalière de présence parentale ; 
  • Lors d'une acquisition en cours de bail ; 
  • En cas d'habitat indigne. 

LES RISQUES EN CAS non-respect 

  • Risque contentieux : recours du locataire devant le juge des contentieux de la protection. 
  • Nullité du congé : maintien du locataire et reconduction du bail aux mêmes conditions ; 
  • Responsabilité civile : dommages-intérêts en cas de congé frauduleux ; 
  • Amende pénale : jusqu'à 6 000 € pour une personne physique et à 30 000 € pour une personne morale. 

LES CONSEILS DE L'ADIL DE PARIS 

Pour les bailleurs : 

  • Ne délivrez pas de congé sans vérification juridique préalable ; 
  • Rassemblez toutes les pièces justificatives du motif annoncé (justificatifs de projet, éléments comptables, attestations) ; 
  • Respectez scrupuleusement le formalisme et les délais légaux (article 15 ou 25-8 selon le type de bail) ; 

Pour les locataires : 

  • Lisez attentivement la lettre de congé (motif, délai, pièces jointes) ; 
  • Vérifiez si votre situation implique une protection légale (âge, ressources…) ; 
  • En cas de litige : saisissez la commission de conciliation, puis le juge des contentieux de la protection. 

 En résumé, un bailleur ne peut donner congé à son locataire que dans trois hypothèses strictement encadrées par la loi. Pour être valable, ce congé doit respecter un formalisme rigoureux (forme, délai, contenu) et être appuyé par des éléments probants. Le non-respect de ces conditions peut entraîner sa nullité. Il est donc essentiel de bien vérifier, avant toute démarche, la conformité du congé à la réglementation en vigueur. 

 Si vous avez des doutes ou si vous rencontrez des difficultés, n'hésitez pas à contacter l'ADIL de Paris pour obtenir des conseils.