Mise à jour le 05 novembre 2024

La lutte contre l’habitat indigne évolue avec l’ordonnance n° 2020-1144 du 16.09.2020 : création d’une nouvelle police administrative spéciale de la sécurité et de la salubrité. La loi n°2024-322 du 9 avril 2024 vient accélérer la lutte contre l’habitat dégradé.

Le décret n°2023-641 du 20 juillet 2023 (paru au JO du 21 juillet 2023) codifie au sein du code de la santé publique les dispositions du RSD-type, tandis que le décret n°2023-695 du 29 juillet 2023 (paru au JO du 30 juillet 2023) harmonise les règles d’hygiène, jusqu’ici localement définies par des arrêtés préfectoraux, et renforce les sanctions applicables en cas d’infraction.Depuis le 1er octobre 2023, les irrégularités sont passibles d’une contravention relevant de la 4ème classe, par infraction constatée.

Les dispositions prévues par ces 2 décrets peuvent toutefois être complétées par des arrêtés préfectoraux ou municipaux, en vue d’édicter des mesures particulières destinées à assurer la protection de la santé publique au niveau local.

Attention ! Par un arrêt rendu en date du 29 août 2024, le Conseil d’Etat a annulé partiellement les dispositions du décret du 29 juillet 2023 et celles relatives à la définition des caractéristiques générales d’un local propre à l’habitation. La version soumise à avis du Haut Conseil de la Santé Publique différant de celle, définitive, la haute juridiction administrative a estimé que ces modifications portant sur des critères essentiels, une nouvelle consultation aurait dû s’imposer.
Un nouveau texte devra donc être élaboré tandis que retour à l’application des règles anciennes est fait.

La lutte contre l’habitat indigne : 4 situations concernées

  • risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques, n’offrant pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants ou des 1/3
  • fonctionnement défectueux ou défaut d’entretien des équipements communs d’un immeuble collectif à usage principal d’habitation de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des 1/3 ou à compromettre gravement leurs conditions d’habitation ou d’utilisation (art. R.511-1 CCH)
  • entreposage dans un local attenant ou compris dans un immeuble collectif à usage principal d’habitation, des matières explosives ou inflammables, lorsqu’il est en infraction avec les règles de sécurité ou de nature à créer des risques sérieux, pour la sécurité des occupants ou des 1/3insalubrité

La lutte contre l’habitat indigne : Autorités compétentes (art. L.511-4 CCH)

  • pour la sécurité des personnes : le maire ou le président de l’EPCI
  • pour le danger et la santé des personnes : le préfet

Spécificité de Paris : le Maire de Paris exerce les pouvoirs dévolus aux maires dans 2 situations (art. L.511-5 CCH) lorsque l’immeuble est un bâtiment à usage principal d’habitationlorsqu’il s’agit d’un bâtiment à usage total ou partiel d’hébergement ou d’un édifice ou monument funéraire en cas de risques de solidité présentés par les murs, bâtiments ou édifices (art. L.511-2. 1° CCH). Le préfet de police est compétent pour les immeubles autres que les bâtiments à usage principal d’habitation, et dans le cas de substitution conféré normalement au préfet dans le département (art. L.2215-1 CGCL)

Procédure : de l’obligation de signalement à l’inexécution de l’arrêté(art. L.511-6 à 18 CCH)

  • obligation est faite à toute personne de signaler des faits susceptibles d’être générateurs de la nouvelle police
  • un droit de visite peut alors s’effectuer entre 6h et 21h, avec recours au Juge de la Liberté et de la Détention du Tribunal Judiciaire, si besoin, par l’autorité compétente

a) Un rapport motivé du DG de l’Agence Régionale de Santé -ARS- ou du Service Communal d’Hygiène et de Santé -SCHS- est remis au Préfet avant l’adoption de l’arrêté d’insalubrité, le Conseil Départemental de l’Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques pouvant être préalablement saisi, pour avis.

b) Pour les situations relatives à la sécurité, l’autorité compétente peut, sur simple requête, demander à la juridiction administrative la désignation d’un expert qui devra se prononcer dans les 24h.

c)En vertu de la loi n°2024-322 du 9 avril 2024 relative à l’accélération et la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé, il est désormais permis aux services déptaux d’incendie et de secours – SDIS – d’attester dans un rapport, le risque d’incendie ou lié à l’entreposage, dans un local, de matières explosives ou inflammables.

Respect du principe du contradictoire (art. L.511-10 et R.111.3 CCH)

a) Information préalable des personnes concernées, des motifs conduisant à mettre en œuvre les mesures relevant de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles

b) Mise à disposition des rapports motivés aux personnes concernées

c) Ouverture d’un délai d’1 mois minimum, pour présenter des observations (délai ramené à 15 jours dans le cas de locaux impropres à l’habitation)

Obligation d’informer les occupants de l’engagement de la procédure

La loi n°2024-322 du 9 avril 2024 – dite loi Habitat dégradé – instaure une obligation pour l’autorité compétente d’informer concomitamment les occupants de l’engagement de la procédure, par courrier, remise contre signature ou affichage sur la façade de l’immeuble.

Prescriptions de l’arrêté

  • Réparation ou toute autre mesure propre à remédier à la situation
  • Démolition (si aucune autre solution est possible ou les travaux nécessaires, plus coûteux que la reconstruction)
  • Cessation de mise à disposition du local
  • Interdiction d’habiter à titre définitif ou temporaire
  • Mention faite de l’existence du paiement d’une astreinte par jour de retard, au-delà du délai fixé et exécution d’office aux frais de la personne concernée

NB : quand son recours est nécessaire, les dispositions relatives à l’intervention de l’Architecte des Bâtiments de France sont précisées (art. R.511-4 CCH)

NB :  la loi Habitat dégradé instaure désormais l’obligation de mettre en œuvre les mesures prescrites, ainsi que le paiement de l’astreinte, même en cas de vacance.

Notification et communication de l’arrêté

  • A la personne tenue d’exécuter les travaux
  • Au maire
  • Au président de l’EPCI
  • Aux organismes payeurs des APL
  • Notification et communication de l’arrêté
  • Aux gestionnaires du FSL
  • Au procureur de la République pour l’insalubrité (art.R.511-7 CCH)

Dans les copropriétés faisant l’objet d’une procédure relevant de l’exercice de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, le signataire de l’arrêté peut être destinataire du PV de l’AG, y assister ou s’y faire représenter et formuler des observations sur les questions inscrites à l’ordre du jour.
Après réalisation des mesures prescrites, la mainlevée de l’arrêté est prononcée et notifiée selon les mêmes modalités (lettre remise contre signature ou tout autre moyen conférant date certaine art.R.511-8 CCH).
L’astreinte administrative financière (1.000 €/jour de re tard dans la limite de 50.000 € recouvrée par trimestre échu) cesse d’être due dès lors que l’immeuble, libéré et sécurisé, ne constitue plus un danger pour la santé ou la sécurité des 1/3.

Pouvoir de substitution de l’autorité compétente

Par décision motivée, l’autorité compétente peut faire procéder d’office à l’exécution des prescriptions de l’arrêté (art. L.511-16 CCH). Toute mesure nécessaire peut être prise, voire aller jusqu’à la démolition, prescrite sur décision du TJ.

Le recouvrement des frais se fait alors comme en matière de contributions directes ou créances étrangères à l’impôt et au domaine.

L’interdiction d’habiter temporaire ou définitive fait peser sur le propriétaire ou l’exploitant une obligation d’hébergement ou de relogement (art. L.521-1 CCH) à laquelle s’ajoute la suspension du paiement des loyers dus au titre du bail en cours, effective à compter du 1er jour du mois qui suit l’envoi de la notification, jusqu’au 1er jour du mois de l’envoi (ou affichage) de sa mainlevée (art.L.521-2-I CCH)

Lorsque l’arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité est assorti d’une interdiction d’habiter à titre temporaire, ou lorsque les travaux nécessaires rendent les locaux temporairement inaccessibles, le propriétaire est tenu d’assurer un hébergement temporaire et décent.

Toutefois, si l’éviction temporaire dure plus de 3 ans, la loi « Habitat dégradé » du 9 avril 2024 fait désormais peser sur le bailleur une obligation d’assurer le relogement.

NB : une procédure d’urgence -en cas de danger imminent- permet à l’autorité compétente d’intervenir sans procédure contradictoire préalable (art.L.511.19 CCH)

Sanctions pénales

3 types de peine sont encourus par les personnes physiques, avec un taux quintuplé pour les personnes morales :

  • 1 an de prison et 50.000 € d’amende en cas de refus délibéré d’exécuter les travaux
  • 2 ans de prison et 75.000 € d’amende en cas de refus de déférer à une mise en demeure préfectorale relative à des locaux suroccupés
  • 3 ans de prison et 100.000 € d’amende en cas de non-respect d’une interdiction d’habiter des locaux ou de leur détérioration pour en faire partir ses occupants

L’infraction de soumission d’une personne vulnérable ou dans un état de dépendance, à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine est passible d’un emprisonnement de 7 ans et d’une amende de 200.000 €, portés à 300.000 € et 10 ans d’emprisonnement en cas de circonstances aggravantes.
Il est désormais interdit pour les personnes coupables de l’infraction susvisée, pendant une durée de 15 ans, d’acheter ou d’être usufruitier d’un bien immobilier à usage d’habitation.

habitat dégradé et copropriété : quelles mesures ?

  • Etablissement d’un diagnostic structurel (décret à paraître sur la qualification des personnes habilitées) des immeubles collectifs situés dans des secteurs d’habitat dégradé et des centres villes dits anciens (délimitation des secteurs laissée à l’appréciation des communes) dans un délai de 15 ans, à compter de la réception des travaux de construction, et au moins une fois tous les 10 ans.

A défaut de transmission par le syndic ou le propriétaire, le maire peut en solliciter la production dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale en matière de sécurité et de salubrité des immeubles. L’élaboration du PPT satisfait à cette obligation.

  • Les ORCOD (opérateurs d’une opération de requalification des copropriétés dégradées) peuvent désormais solliciter auprès du syndic l’inscription à l’OJ de l’AG du projet de scission ou création d’un syndicat secondaire, afin de remédier aux difficultés rencontrées par la copropriété de grande taille.

Quelles aides pour remédier à l’habitat indigne ?

A compter du 1er janvier 2024, Ma Prime Logement Décent permet aux propriétaires occupants ou bailleurs, d’être aidés dans leur travaux réalisés dans des logements notablement dégradés. Pour cela, il faut :

  • Respecter les plafonds de ressources modestes ou très modestes pour les propriétaires occupants, modestes pour les locataires d’un logement loué vide à titre de résidence principale pendant 6 ans, avec un niveau de loyer plafonné, après signature d’une convention avec l’ANAH.
  • Occuper, pour les propriétaires, le logement (construit depuis plus de 15 ans) durant au moins 3 ans à compter de la fin des travaux
  • Faire évaluer l’état du logement par un professionnel à l’aide d’une grille de dégradation
  • Le logement doit être sous procédure de police de mise en sécurité ordinaire
  • Faire réaliser un audit énergétique du logement
  • Atteindre la classe E après travaux, pour les propriétaires-occupants, et la classe D pour les propriétaires-bailleurs

A noter : les copropriétés construites depuis plus de 15 ans, faisant l’objet d’un arrêté de police administratif (insalubrité, saturnisme, péril…), dont l’immatriculation au registre des copropriétés est à jour et composées d’au moins 75 % des lots occupés à titre de résidence principale (ou 65% si 20 lots et moins) sont éligibles à Ma Prime Logement Décent.

Pour connaître les plafonds de ressources et de travaux, ainsi que le taux de financement, se rendre sur www.anah.fr.

Pour en savoir plus sur la lutte contre l’habitat dégradé et le logement indigne ainsi que le programme d’action territorial mis en place par la ville de Paris pour prévenir l’insalubrité vous pouvez vous rendre sur www.anah.fr et prendre rendez-vous auprès de la permanence de l’Adil de votre arrondissement ou contacter la permanence téléphonique juridique au 01.42.79.50.50.